Il vous souviendra peut etre qu’il y a environ quatre ans, que je prenais la liberté, de m’adresser a vous par lettre, souhaitant de trouver un emploi chez vous et sous votre toit que je pencais alors ne pouvoir trouver dans toute l’Amerique. Jetais alors dans l’idée que vous avies une jeune famille Je m’offrais sous le titre de faire les fonctions de Gouverneur aupres d’eux pour veiller a leur education. Je fus deçu dans mon attente. Il est vrai vous m’honoriez d’une reponse polie, come Jattendais d’une personne qui avait vu le monde; Mais Monsieur non obstant tous le menagement que vous gardies dans vos expressions, il y avait une Monosillabe de trop, qui ne laissait pas de me donner de la paine, Si je me souviens bien, de vos expressions car votre lettre il y a longtemps que je ne l’ai plus, vous disies If I had those qualifications, it would not be difficult for me to find a place in Charleston. Cet if Monsieur me Chifonait beaucoup. Je savais tres bien qú’un homme qui a vu son monde un Philosophe ne pouvait pas ignorer que ce monde fourmille d’escrocs, qu’il etait de sa prudence de s’en garder, en particulier a l’egard d’un inconnu, Mais alors je me souvenais aussi que je vous avais accusé des personnes qui me connaissaint, chez qui vous pouviez vous avoir informé quel etait mon caractere mes principes, avec les quels javais vecu comme de niveau, et qui n’etaient pas de la lie du peuple, il me vint bien dans l’esprit que peut etre la difference des principles politiques pouvait avoir rendu, particulierement dans ces temps cette discussion plus difficile, qu’elle ne valait et comme on dit que le jeu ne valait pas la chandelle. cependant tout cela ne Me Mettait pas a mon aise: Permettez-Moi d’avouer franchement que jy trouvais un espece de soupçon qui Me blessait cetait une nouvelle lecon a aprendre pour moi, a laquelle je n’etais pas trop accoutumé: Vous ne consideriez pas, qu aiant vecu avec ces personnes, sur un pied d’egalité, qúi ne me souffrait pas de pencer que je pourrais me produire sous les apparences d’un miserable pedagogue, et d’etre mesuré du haut en bas par des gens qui auparavant avaient recherche ma compagnie, l’idée de cet abaissement me paraissait insuportable; l’amour que je sens pour la liberté mon amour propre refuserent entierement de s’y soumettre, javais deja fait des efforts pour m’offrir a vous a un homme dont je respectais le caractere. que faire donc? Jetais venu en Amerique avec un honete capital forçé de quiter mon pais, a cause des Cabales, intrigues les usurpations du Stathouder, contre lesquelles je m’etais toujours oppose autant que javais pu, ici je ne connaissais ni etais connu de personne, je ne savais a qui me fier, tous les visages promettaient de la sincérite,—mais ce n’etaient que des visages. je resolus de me regler sur la conduite du publicq et celui qúi etait le mieux accueilli aurait la premiere place dans ma confidence. Je me trompais grossierement encore, j ai eté plumé derobé par des speculateurs, qui ne manquaient pas l’aveu du public, Vous devez avoir connu aumoins par reputation le fameux Commodore A Gillon lui seul m’enlevait une somme de 7000 Livres Sterlin, je souffrais des faillites, des banqueroutes dans les deux Carolines & en Virginie Meme tout cela me rendait incapable de vivre sur un pied de decence au quel j’etais acoutumé. Dans ces circonstances Votre lettre Monsieur me parvint a Statesburgh, elle me desarçonnait entierement, ne sachant ou donner de la tête. Tout d’un coup comme par inspiration, il me vient dans l’idee de m’enfoncer dans les bois de l’ouest. J’avais assez de Philosophie pour n’etre pas effraie de l’idee que je n’y trouverais que la nature brute des gens qui n’avaient aucune idee d’un commerce ou Societé rationale j’avais assez lu assez pensé pour me suffire a moi même: cette idee n’etait pas sitot née que mise en execution. Jarrivais donc ici. La premiere chose qúi m’occupait et qui occuperait tout homme d’un Sens commun etait d’examiner le local, l’air, le climat le Sol et puis le progres de l’agriculture: Je trouvais l’air serein et pur, un climat moderé, un Sol assez fertile, ou au moins il ne s’y trouvait aucune terre entierement Sterile pareille a ces plages sabloneuses, qu’on rencontre a tout bout de champ dans ces plats pais voisins de l’ocean. l’eau de Source pure legere et delicieuse. En consequence des debris de ma fortune, je m’achetais une petite terre, je me batis un bicoque, que les gens du pais apellaient une jolie maison faute de Savoir mieux. Mon premier Soin fut de me faire et cultiver un jardin, autre Phenomene rare pour ces etres peu instruits. Mais lorsque Je considerais les progres de l’agricultúre je les trouvais extremement negligés et mesquin. presque l’unique attention des agricoles etait tournée vers la culture du Mäis, et chacun plantait autant qu’il croiait suffire aux besoins de sa famille si l’annee etait mauvaise il se trouvait fort a l’etroit, faute de circulation d’especes, car tout echange presque se fait ici par troc: Si la Saison etait avantageuse le surplus etait porté au distilaleur pour le tourner en Whisky cela produsait deux effect extremement pernicieux, encourageant la paresse et l’ivrognerie, l’on buvait sa liqueur au Cabaret, on jurait on se querellait on se battait, sans aucun regard pour la decence les bonnes Moeurs ou la situation de leurs familles qui tres souvent par la etaient destituées du necessaire. Si l’on avait besoin d’un peu de Monoie l’on plantait du tabac ou du coton. Mais touttes ces denrées etaient trop Volumineuses pour s’en promettre beaucoup d’avantage. les distances des marchés trop grandes faisaient que tout le gain que le cultivateur s’en promettait s’absorbait dans les frais de transport, tout devant aller par terre les rivieres etant innavigables par des Cataractes ou bas fonds. il etait donc facile a voir qú’il leur falait une denrée si precieúse qúe les frais de chariage ne pouvait pas sensiblement empieter sur le revenant de la marchandise Je m’imaginais donc, que rien ne leur conviendrait Mieux qu’a elever des vers a Soie et consequement de planter et cultiver le Murier blanc comme le Seul capable de produire de tres bonne soie comme ce pais peut donner. Je sai quon l’a tenté a Purisburg Ebeneser et autres places, avec peu de succes, mais ils n’avaient qu’a en accuser leur ignorance, n’ayant que decredite cette riche branche de commerce: cependent comment persuader a des gens si simples si ignorants, que cette ignorance parait Marqué au coin de l’idiotisme, d’entreprendre un ouvrage dont jamais ils n’avaient entendu parler. Jaurais preche cette doctrine ad Kalendas grecas Sans jamais avancer dune ligne. il ne me restait donc rien a faire que de precher d’exemple. je me mis donc en devoir de poursuivre mon plan, avec beaucoup de difficulté Je me procurais quelques pieds de cet abre que jai triple depuis par provignement et mes arbres plantés depuis trois ans viennent bien. Peut etre Monsieur il vous surprendra qu’un Hollandais s’avise d’entreprendre de faire de la Soie ou la Hollande est un pais humide et froid peu adaptée a cet espece de culture, et c’etait l’opinion generale dans ce Pais, Mais comme je n’ai jamais fait beaucoup de fond sur les opinions et prejugés du vulgaire, javais le courage etant en Hollande, d’attaquer cette Hydre a cent têtes. en consequence J’etudiais cet object et malgré les obstacles d’un climat peu favorable, je reussissait assez bien, & autant que la Societé de Savants de Harlem, dont je suis Membre, m’invita de leur communiquer Mes observations: Je le fis et vous trouverez mon Esquisse au volume 17, part 2 de leurs transactions. depuis mon arrivée dans ce pais, residant sur l’Ahslyrive jai repeté mes recherches, et jai trouvé que ce pais est ún des Meilleurs au monde pour produire des plus belles soies. dans l’année 1787 je fis part du resultat de mes recherches à la Societé d’agricultúre a Charleston. on a publié cette lettre avec une des votres, dans la quelle vous tachiez a les persuade à encourager la propagation de l’olivier, mais ma lettre à eté abregé de la sorte et mutilée autant qu’elle ne produisit aucun effect. Mais pour revenir a mon Sujet, pour la premiere fois jai fait ún petit essai pour voir, si la grande idée que je metais formée de la bonté du climat et du Sol, etait fondée sur dassez bonnes raisons, et a ma satisfaction je trouve que je ne m’etais pas trompé; pour cet effect je prens la liberte de vous presenter un echantillon du premier essai. vous considerés s’il vous plait que cette Soie etant faite a l’aide des mains rudes, qui n’avaient rien vu de pareil, que par consequant le coup dessai ne saurait etre ún coup de Maitre et vous en concluerez que le tirage de la Soie peut etre porté a une perfection indefinitivement plus grande, et malgre cela je ne hesite pas a vous l’envoier comme le patron de tous ceux qui s’occupent du bien etre de la Republique, vous priant de montrer ces Echevaux au Manufacturiers en soie a Philadelphie pour avoir leur sentiment sur la bonte ou des defauts de cette Soie. pourquoi jose vous prier de ne pas permettre qu’elle passe trop les mains avant que les Manufacturiers l’ont vue, afin qú’elle ne perde pas de son lustre et consequament de sa valeúr, Ma tache sera de multiplier mes arbres autant que je púis pour les distribuer gratis aux gens du pais qui paraissent en prendre du gout pour cette espece de Culture. Mais Monsieur une chose essencielle nous manque pour obtenir tout le succes que je desirerais. Tous les Muriers blancs en Ameriqúe sans exception sont des sauvageons, tout ce qui provient de la graine est de meme, et quoi que je conviens que le Sauvageon prodúit une belle soie, cependent elle est trop legere et ne profite pas le cultivateur, outre que cet arbre ne provient pas si bien, sa feuille est petite dechiquetée, et en cuillant année par année la feuille de cet arbre il devient buissonneux et de la plus difficile Cuillette. le Murier noir natif de ce pais ne vaut rien, sa feuille est rude Coriasse couverte d’un duvet et remplie d’un acide qui ne conviennent pas au ver qui la rejettent. Le Murier Espagnol a grande fúille ne vaut presque pas mieux mais en France on use la feuille du Murier qui est apellé le Murier d’italie: Dans le Lionois le haut Dauphiné Sevennes Provence il va sous le nom de Murier Rose, cet arbre croit rapidement fait des belles pousses, sa feuille est grande lisse d’un beau Vernis sans etre dechiquetée. Monsieur Thome un des meilleurs Autheurs que jai lu sur ce sujet, et j’en ai lu plusieurs, dans ses reponses sur les questions faites a lui par la Societe Roiale d’agriculture a Lions en parle avec enthousiasme “Le Murier Rose (dit il) est non seulement le plus convenable a la nouriture des vers a Soie mais il est encore celui, qui fournit la feuille en la plus grande abondance, nous avons comparé les depouilles de sa feuille a l’age de huit ans, contre un sauvageon de meme age, planté dans le meme champ: le premier nous a donné cinquante livres de feuilles; le second n’en pas eu dix livres, la depouille du premier a ete faite en moins de trente minutes, et celle du second a occupé le cuilleur une matinee entiere.” je parle de cet arbre Monsieúr avec connaissance de Cause, je le possedais en Hollande javais meme embarqué avec moi une Douzaine. Mais les matelots les tuaient toús en les ecorchant a bord. Cest donc cet arbre qúil nous faut pour bien reusir dans cette entreprise, ma petite fortune ne me permet pas de pousser trop loin ma bonhomie, outre que je ne saurais comment m’y prendre: autrefois j’entretenais un commerce de lettres avec quelques Français, mais comme ils etaient toús de la noblesse, la derniere revolution les a tous dispersés ou detruits et je ne sai ce quils sont devenus. Mais Monsieur Vous qui etes a la tête de toute magistrature, vous pourries effectuer plus par un mot, que moi par des années de supplications. Si vous croiez que mon plan tend au bien de la Societé, car je ne disconviens pas que c’est ma marotte, et par la Capable de faire des chateaux en espagne quoi que cet un plaisir reël pour moi de pencer que je pourrais rendre quelque Service a ce pais avant ma mort car Je me fais vieux, et je dois pencer que mon tatoo bat deja quoi que encore assez robuste: ne me resentant pas beaucoup des infirmités de l’age, je considere pourtant cela comme un bien Ephemere qui peut s’echaper a tout moment, je voudrais vous prier de prendre cette tache sur vous, de faire venir quelques pieds de ce Murier Rose greffé, une douzaine suffirait, noús pourrions tres vite les multiplier par la greffe. toút ce qúi provient de sa graine est derechef sauvageon, quoi que d’une bonne espece. Si ma proposition vous plait, faites Moi l’honneur de me faire deux mots de reponce: et comme ma retraite est si hors de chemin ayez la bonté d’adresser votre lettre a Monsieur Florian Charles Mey commerçant et mon agent a Charleston, il sait ou m’adresser mes lettres. Excusez Monsieúr la longueur de cette lettre, qui vous a peut etre detenu des afaires plus importantes. La raison que je vous ecris celle ci en français etait, que ma lettre Anglaise n’ayant pas fait fortune, je voudrais essaier si ún autre dialecte vous plairait d’avantage, si encore celle ci ne me reusit pas, et je me trouverais dans la necessite de vous importuner une troisieme fois je vous ecrirai en Italien ma langue favorite, comme la plus harmonieuse, la plus sonore, et qui flatte le plus l’oreille, et si je súis bien informé vous la possedez γραφικως excusez ce petit mot grec il etait au bout de ma plume et je ne trouvais aucun Epethete français qui me revenait. Au reste je fais les veux les plus sinceres Monsieúr pour votre bien etre je sens fortement combien vous etes necessaire au bonheur des inhabitans de ce pais, je n’irai pas detailler ceci de peur d’etre cru un flatteur, mais cela jajouterai que jai cru que c’etait ún grand bonheur pour l’Amerique que dans la situation ou elle se trouvait, vous parvintes a la premiere Magistrature. je ne laisse pas d’inculquer cela a ceux qui avoisinent mon petit domaine, car je ne laisse pas d’avoir quelque influence sur leur façon de penser, qúi me croient quasi ún Demosthene un Ciceron puis que je sais lire et ecrire. je ne cesserai pas de faire des voeux pour votre prosperité et contentement etant avec un tres profond respect

Monsieur le President Votre tres Humble tres obeis: Serviteur